Chaque exposition est l’occasion de braquer le projecteur sur une œuvre. Une création emblématique dans le parcours d’un artiste retenant notre attention par sa puissance d’évocation, sa poésie. Une forme inédite qui dévoile sa nouveauté, nous étonne, peut parfois nous déranger. Analyse esthétique, fortune critique, autant d’éléments donnant envie de percer le mystère, de mieux comprendre la démarche d’un artiste. Donner envie aussi de venir à l’Espace Art et Liberté pour appréhender la création en chair et en os.
Cette rubrique permet aussi la rencontre virtuelle avec un artiste sous la forme d’interviews, d’écrits, éventuellement de photos ou de vidéos. L’occasion de sonder l’univers, la personnalité d’un artiste pour mieux appréhender ses créations.
Hervé LOILIER
« La salute et San Marco » (100x81) Huile sur toile.
Une œuvre
Venise cité des eaux, ville idéale pour Hervé Loilier qui avoue voir l'univers par le prisme de la perle italienne. Et pourtant, combien se sont heurtés à la difficulté de peindre ce lieu magique sans tomber dans les clichés et lieux communs. Hervé Loilier évoque l'atmosphère de la cité vénitienne avec émoi, reflet de son âme et de ses sentiments face à la majesté du paysage. La composition de la « salute » laisse vivre la sincérité d'un pinceau alerte et fluide. La mer, l'architecture, le ciel ne font plus qu'un, emportés dans « un vent de couleurs venant caresser les espaces et les faire fondre ». Le tableau est traité dans des dominantes de bleus, les façades colorées d'oranges, de roses et de vermillons vibrent de lumière par association des complémentaires. Les formes et les contours se diluent dans la couleur, pour autant le dessin et la composition sont précis. Synthèse réussie entre la couleur et le dessin, la peinture d'Hervé Loilier est expressive, maîtrisée et pulsionnelle à la fois. Elle laisse entrevoir les traces du pinceau, la prégnance du geste. Les couleurs pures libèrent toute leur puissance d'évocation. Aux nuances délicates des bleus et outremers du premier plan répond le mouvement des nuages où se glissent des touches subtiles de gris et de vert. Les lignes, les formes, les volumes et les couleurs constituent son langage. Pour l'artiste, « l'art est un vecteur essentiel permettant d'aller vers l'indéfinissable, le non-dit. » Devant la Sainte Victoire, Cézanne ne voulait-il pas rendre visible l'invisible ? La « salute » d'Hervé Loilier n'a rien de la banale carte postale mais constitue un témoignage sincère exprimant avec force la vérité du peintre défiant le paysage.
Frédéric Mette
Un artiste
Hervé Loilier est né à Paris le 18 mars 1948. Ancien élève de l'École polytechnique (promotion 1967).
Ancien élève de l'ENSAD (1970/1971 atelier Röhner). Il fréquente l'Académie libre de la Grande Chaumière (1972/1973 atelier Pierre Jérôme). Il a enseigné les arts à l'École polytechnique de 1973 à 2012 :
Maître de conférences de 1973 à 2000 Professeur associé de 2000 à 2012.
Vice-président du département Humanités et Sciences Sociales et responsable de l'enseignement des arts de 1990 à 2010. Il a créé un cours magistral d'histoire de l'art en 1989.
Président du salon Violet de 1994 à 1997, il est président d'honneur de ce même salon depuis 1998. Il est sociétaire du Salon d'Automne, membre associé de la SNBA. Il est chef du groupe « Transposition figurative » au salon Comparaisons. Président 2007 des Rencontres d'Art contemporain de Calvi.
De nombreux prix et médailles ont récompensé son œuvre.Depuis 1990, il a été invité d'honneur d'une quarantaine de salons. Articles biographiques dans plusieurs dictionnaires, dont l'édition 1999 du Bénézit.
LITTLE K
« Adidas superstar » Création en carton
Une œuvre
En choisissant une chaussure de tennis comme sujet, Little k nous invite dans son univers à travers les objets, les vêtements standards qui peuplent notre quotidien. Une chaussure mais pas n'importe laquelle, la célèbre Stan Smith portée depuis les années 70 par de nombreuses générations. Une chaussure à nouveau à la mode ces dernier temps. « Des chaussures de marque dit l'artiste qui suscitaient le désir dans mon enfance. »
Little K est passé maître dans l'utilisation du carton, le médium sublime le réel. Il échappe à la représentation mimétique du réel dans ses oeuvres en révélant la matière cartonnée, sa texture et sa coloration. L'utilisation du carton n'est pas neutre, matériau proche à chacun et facilement disponible, il se transforme avec des outils accessibles à tous..
L'artiste s'inspire beaucoup des objets emblématiques du mouvement Hip-Hop qui sont redis en carton.
«Animé de ce plaisir de recréer, je fabrique des objets dont l'esthétique combine qualité plastique et valorisation d'un matériau récupéré. Cet acte s'accomplit dans le choix d'objets que j'aurai voulu avoir. Enfant, je voulais partir dans l'espace, c'est pourquoi j'ai construit une fusée. Ado, je voulais avoir un booster Mbk, une platine Mk2, etc... ».
Un artiste
Little k est un jeune artiste trentenaire qui vit et travaille Orly. André-Kim s'est lancé dans le monde des arts avec la pâte Fino en sculptant des petits personnages collés au hasard de ses voyages, sa version globe-trotteuse du street-art qui lui valut le nom de Little K. Il s'est interrogé ensuite sur la fameuse expression « bling-bling », les clips des rappeurs exhibant les grosses médailles, les grosses voitures et jolies filles. Puis vinrent les objets du quotidien, les objets intimes et la poésie du banal.
Frédéric Mette
Marc Ronet
"Paysage brun et rouge" 2013-5, huile et crayon sur toile, 97x130
Une œuvre
"Le paysage n'a pas de structure propre permanente et reconnaissable. Il est par lui-même changeant"
Roger Callois
Dans sa définition traditionnelle, le paysage est un genre représentant une configuration géographique naturelle ou urbaine. Depuis le début du XXème siècle les sentiments et sensations de l'artiste face au paysage l'emportent sur la tentation de représentation du réel. Olivier Céna affirme qu'il peut être pour l'artiste un autoportrait de l'âme.
"Paysage brun et rouge" est une peinture de Marc Ronet à la lumière flamande, un paysage qui nous saisit par la puissance des éléments qu'il met en oeuvre. Sans obsession du réalisme ni tentation des effets de couleur et de matière, il sait que la peinture est un exercice précaire, un équilibre permanent à trouver. Marc Ronet nous invite à entrer dans le paysage, à l'éprouver physiquement. On sent le vent, la violence des éléments qui se déchainent. Paysage à la fois dur et hostile, sensuel et généreux dans sa matière, il séduit par ses nuances d'ocres et de verts. Une touche de rouge en bas à gauche éclaire de subtilité. Dans le ciel, des jaunes délicatement enfouis réapparaissent avec élégance. Motif rayé et zébré par des lignes courtes qui sillonnent les toiles dans tous les sens. Des lignes discontinues sans aucune fonction descriptive, des segments qui s'interrompent sans raison logique nous dit Itzhak Golberg. L'image produite exprime le sujet dans sa vérité, elle n'est pas impressionniste, elle suspend le temps. Paysage intemporel et universel mais paysage en mouvement. Une peinture complexe qui ne définit jamais de façon précise les limites entre l'abstraction et la figuration.
Le monde de l'art contemporain consacre souvent les produits éphémères et aseptisés de l'industrie culturelle. La peinture de Marc Ronet est une forme de résistance, elle propose un autre rapport au temps. Elle nous oriente vers l'essence même des choses, nous invite à la contemplation et à la méditation.
Frédéric Mette.22 août 2015
Un artiste
Marc Ronet est sans aucun doute un des plus grands peintre de sa génération en France. Il fut ami et complice d'Eugène Leroy peintre majeur du 20e siècle.
Né en 1937 à Marcq-en-Barœul, après une formation à l'Académie Saint-Luc de Tournai où Eugène Dodeigne fut son professeur, Marc Ronet suivit l'enseignement de l'Ecole des Arts Appliqués à Paris. En 1954, sa première exposition, à la galerie Renar, à Roubaix, fut parrainée par Eugène Leroy et l'inscrit dans l'aventure du Groupe de Roubaix. Depuis plus de 40 ans, avec une exigence et une cohérence exceptionnelles, Marc Ronet pose la question de la peinture et de son actualité dans le débat artistique contemporain. Il est passé d'une quête de la lumière au travers d'autoportraits, paysages et natures mortes, au questionnement sur la place de l'objet et son rôle dans la peinture : « Qu'est-ce que la peinture ? Comment aujourd'hui peindre un vase sur une table ? ». Au-delà de la représentation, il fouille et retourne la matière de la peinture et du papier, écartant toute intention spectaculaire pour ne faire surgir que l'irréductible résultat de ses découvertes. Le Musée Eugène Leroy (Beaux-Arts de Tourcoing MUba) et le Musée d'Art et d'Industrie André Diligent (Piscine de Roubaix) lui ont consacré des expositions personnelles, pour rendre hommage à ce parcours et à cette démarche remarquables. Le vide des boîtes ou caisses (1990) et des Lieux interdits (1998) affirment le lieu de la peinture, presque au bord de l'abstrait.
Découvrez une interview de Marc Ronet sur le site de News Art Today ici.